« Jésus lui répondit : Si tu savais quel don Dieu veut te faire et qui est celui qui te demande à boire, c’est toi qui lui aurais demandé à boire et il t’aurait donné de l’eau vive » Jean 4.10
Il est midi. La chaleur est suffocante, la lumière aveuglante. Jésus est fatigué du chemin. Il s’assied au bord d’un puits…
Pourquoi Jésus a accepté de passer par la Samarie, alors qu’il pouvait rejoindre la Galilée par les bords du Jourdain, comme il était de coutume chez les Juifs. Néanmoins, il a accepté de souffrir de la fatigue, de la chaleur et de la soif… Au bord de la rivière, ce serait beaucoup plus sympa et moins pénible.
Une femme Samaritaine est arrivée pour puiser de l’eau sous le soleil brûlant, action qui n’était pas habituelle à ce moment là. La suite de la rencontre nous apprend que l’heure inhabituelle n’était pas le fruit d’une fantaisie de sa part. Midi étant l’heure où le plus grand nombre de personnes se réfugient à l’abri du soleil dans la pénombre et la fraîcheur des maisons pour profiter de leurs repas, elle, « la femme de mauvaise vie », évitait ainsi les insultes, les outrages, voire les violences des bien-pensants et « bienfaisants » du village.
Et pourtant pour ses besoins vitaux elle était obligée de sortir, tout comme la fatigue et la soif avaient conduit Jésus à s’arrêter au bord de ce puits-là. Cette rencontre semble être le fruit d’un double mouvement : d’un côté les contraintes des corps obligeant à des comportements, de l’autre le choix de Jésus-Christ de passer par la Samarie au lieu de faire le chemin habituel ; avait-il « rendez-vous » avec cette femme ?
En tout cas, l’évangile nous présente cette rencontre au sein des nécessités. « Celui qui est au-dessus de tout » (Jean 3.31) a choisi cette rencontre dans une humanité partagée. Le besoin d’eau et le besoin de sécurité en raison de relations sociales difficiles pour la Samaritaine, le besoin d’eau et de repos pour Jésus. Cette rencontre entre Jésus et la Samaritaine n’est pas magique, elle se produit au cœur des circonstances éphémères et des spécificités humaines. Eh bien, à nous aussi, Jésus vient et nous aborde là. Nos choix, nos besoins, nos peurs, nos souffrances, nos représentations ou nos convictions sont le terrain sur lequel Jésus-Christ vient nous apporter… que vient-il nous apporter ?
Jésus ose sortir des recommandations de bonnes pratiques sociales et religieuses données par les responsables de la religion bien-pensants et se permet d’interpeller une femme… Un scandale pour l’époque… lui en tant qu’homme ; Il ose aborder une Samaritaine, lui en tant que Juif ; une femme « facile », lui qui est le Juste. Il vient et prétend apaiser sa soif de manière radicale à celle qui semble avoir la possibilité de lui donner de l’eau. Lui qui est fatigué et isolé, il prétend remplir la vie de cette femme qui possède une vie désordonnée.
La rupture dans laquelle ce passage s’inscrit est pour moi le reflet de la rupture dans laquelle s’inscrit toute relation avec Dieu. Mais cette dernière ne peut se produire qu’à la condition que la relation débute dans une rencontre banale, marquée par l’humanité de chacun. C’est dans la vie quotidienne et ordinaire que Dieu se révèle à nous ; La parole de Jésus-Christ s’inscrit dans le quotidien de l’un comme de l’autre. C’est là que nous pouvons expérimenter les premières expériences de respect, de considération, d’intérêt de l’autre, au-delà des conventions et des lois, de la religion. C’est là que les échanges que nous avons avec Lui nous restaurent, nous libèrent, voire nous guérissent, première gorgée de l’eau que nous buvons en Lui.
De cette position, Jésus nous convie dans les décalages et les quiproquos qu’il sait très bien provoquer et nous invite à sortir de nos lieux communs, de notre quotidien, de nos convictions fondatrices, de ce qui nous a fait jusque-là. Il nous introduit dans un monde où nos imaginaires, représentations et nos perceptions sont dépassées.
La révélation divine les transcende. L’eau vive devient source nouvelle quand nous acceptons que Dieu et la vie qu’Il souhaite nous donner ne peuvent se lire ni se percevoir avec nos anciens modèles. L’œuvre de l’Esprit nous dépasse et sa vie nous métamorphose en « passeurs » de vie. Nous n’avons plus soif même dans le manque et dans la fatigue.
Là, nous voyons que cette femme n’a plus peur et des relations nouvelles peuvent se nouer avec les gens du village. Ainsi, de même, notre relation avec nous-même, avec les autres, avec le monde est bouleversée. Et pourtant, nous avons toujours soif, nous avons toujours faim, nous avons toujours besoin de repos.
Jésus vient nous rejoindre dans nos vies et pas ailleurs. Nous n’avons pas besoin d’être différents pour qu’Il frappe à notre porte, seulement être disposés à l’ouvrir. Et quand la porte est ouverte, il nous invite à participer à la source d’eau vive qui désaltère celui qui la boit.
Que cette expérience puisse aussi être une réalité dans nos vies.
Thiago Cardoso